mardi 26 janvier 2016

Ca ne se passe pas souvent comme prévu

Ce soir, le programme initial a tout de suite été modifié par l'assistance, qui réclamait le 2ème concerto de Rachmaninov avant la 1ère sonate. Je n'avais sans doute pas écouté ça depuis quinze ans, mais à l'époque j'avais peu de doute que la version Richter/Sanderling/Leningrad du coffret Melodyia était le top, alors on a écouté ça.
Rachmaninov, en extrait, genre en générique d'émission, c'est toujours bien, mais avec cette équipe-là, ça m'a pris du début à la fin, il y a un souffle furtwanglérien, quelque chose qui vient de loin, mais qui vous emmène tout de suite dans un discours musical totalement évident et transparent. Les deux bonhommes semblent branchés directement sur l'âme de cette musique, et sans doute les musiciens de l'orchestre aussi, dont on ne peut que deviner les splendeurs, ces enregistrement appartenant éminnement à la catégorie "historique". Sous les doigts de Richter, l'immense piano de concert semble céder et demander raison à certains moments. Le son précaire ne m'a pas dérangé, et je me suis vite senti dans la salle, à Leningrad probablement dans les années 1960, pris dans l'émotion. D'autres néanmoins ont regretté que le souffle sonore se joigne au souffle épique et ont exprimé de la fatigue auditive à la fin du concerto. 

Mais du coup, la discussion est partie sur les interprétations et les prises de son, et par la magie de Qobuz, nous avons pu écouter plus d'une autre version de ce concerto, et c'est en cela qu'a consisté la seconde moitié de la soirée, au lieu de la sonate initialement prévue. Quand je vous disais que ça ne passe pas souvent comme prévu. Le même Richter avec Wislocki et l'orchestre national de Varsovie, disponible en repiquage 24 bits, ne m'a pas autant convaincu... 
...Mais c'est quand même diablement intéressant. Richter tape toujours très fort, mais la guerre semble plus avec l'orchestre et le chef qu'avec le piano ici, chacun semblant tirer la couverture à lui dans une direction opposée. L'orchestre tire vers quelque chose de très hédoniste, s'attarde dès qu'il en a l'occasion. Richter va dans une direction bien plus virile et motrice, et il gagne, mais c'est épuisant et un peu frustrant. 

J'ai bien aimé, par contraste aussi, la douce poésie de Simon Trpceski avec Vasily Petrenko et l'orchestre philharmonique royal de Liverpool:
C'est aussi différent de Richter DG que ça peut l'être, un Rachma de poésie douce, de clairs-obscurs, de couleurs nuancées, qui m'a porté bien plus volontiers, même si à la fin on se dit qu'on aimerait bien aussi écouter le second concerto de Rachmaninov -- celui qu'on connait. Mais c'est Lang Lang avec Gergiev qui a fait l'unanimité, et fera sans doute l'objet d'une prochaine écoute en HD (lundi prochain si vous voulez?):
Il y a de la force et de l'espiéglerie en même temps chez Lang Lang, et s'il n'est pas amoureux de cette musique, il fait bien semblant. Nous voici de retour à Leningrad Saint-Petersbourg, avec un orchestre de nouveau somptueux, plein de moelleux et de nostalgie et d'une précision qui ne vient pas forcément de leur chef, Gergiev des grands jours, inspiré, à longue vue, chez lui.




vendredi 22 janvier 2016

Lundi russe

Lundi, je vous propose d'enchaîner la 1ère sonate de Rachmaninov et la symphonie Manfred de Tchaïkovsky. C'est dans le cadre de mon programme de réhabilitation où j'écoute de temps en temps des oeuvres que je ne connais pas par coeur. Je suis donc, encore plus que d'habitude, en mode "exploration" où j'explore des versions au hasard des récompenses, des avis, des artistes que je connais plus ou moins... Pour le Rachmaninov, je me dis peut-être Lugansky, toujours impeccable, ici récompensé et bien enregistré. C'est de la musique dont il peut être difficile de distinguer l'unité au sein de la richesse d'inspiration, il nous faut donc du bel interprète, artiste autant que virtuose.
Et puis pour Manfred, j'en ai écouté quelques unes. Il y en avait des ennuyeuses, des bruyantes, des jolies auxquelles on ne comprenait rien. Ca n'est pas original, mais pour l'instant, Svetlanov tient la corde.
Bref, je suis au moins aussi ouvert aux suggestions que d'habitude. N'hésitez pas à venir avec vos fichiers ou vos CDs, à lundi soir...

jeudi 14 janvier 2016

Et Boulez alors?

Bon, si on passe nos journées à écouter du Bowie à la galerie, on pourrait aussi prêter une oreille à un autre grand musicien disparu, Pierre Boulez. Je ne connais pas grand'chose à sa musique, mais chaque occasion que j'ai eu de l'écouter dans de bonnes conditions -- au concert ou sur un bon disque avec un bon système -- j'ai été intrigué, intéressé, eu l'impression de découvrir quelque chose, que je comprenais mieux au fil des réécoutes. Une écoute impromptue hier soir de Pli selon pli m'a refait le même effet:
Mais, comme le dit Marrec, c'est un peu long quand même, pour fascinant que ça soit. Je vous proposerai donc volontiers d'écouter les Notations, dont j'ai un souvenir ému, et lui aussi apparemment. Evidemment on pourrait écouter Boulez par Boulez:
Mais pourquoi pas autre chose, par exemple Gielen, qui m'avait tellement emballé dans Beethoven?
Et puis après le petit quart d'heure des notations, comment illustrer Boulez chef d'orchestre? Ses Ravel ont excellent presse, mais j'avoue une certaine appréhension devant cette musique qui ne m'est pas familière et m'ennuie plus souvent qu'autre chose. En même temps, ces soirées à la galerie m'ont plus d'une fois donné accès à des musiques dont je n'étais pas familier, et c'est un peu pour ça que je les organise.
Mais si je suivais ma pente naturelle, ce serait sans doute Mahler, et l'insupportable, cataclysmique sixième:
Qu'en pensez-vous? C'est lundi à 20h, on fera comme vous voulez.


lundi 11 janvier 2016

Et ce soir, Brahms par Gilels et Jochum, redécouvert

J'avais bien d'autres idées en tête, mais ce classique absolu vient de ressortir en 24bits, et un rapide premier coup d'oreille me confirme que, si l'esthétique très "DG" demeure, on gagne une richesse de timbres et d'intentions qui ne peut pas se manquer. Rendes-vous ce soir à 20h donc, pour redécouvrir ce monument, les deux concertos de Brahms par Gilels avec Jochum qui dirige le Philharmonique de Berlin. C'te luxe.

PS -- Blogger s'obstine à prétendre que je suis en Californie. Quand je dis "ce soir", c'est mardi 12 janvier 2016. A 20h au 18, bd Voltaire.

Ce fut Currentzis...

Enfin, juste le Tchaikovsky, avec une violoniste qui s'avère être une jolie jeune femme. Et puis ensuite, à la demande des présents, le troisième concerto de Beethoven avec Gilels et Szell à Salzbourg en 1969:

Et puis tant qu'on y était, on a enchaîné avec la cinquième d'anthologie qui suit dans le disque -- il y a la rigueur presque raide de Szell, et la tradition de suavité (et de virtuosité viennoise), le tout dans une ambiance tendue au couteau. Je connais ce disque par coeur, mais il me scotche à chaque fois.

Dans les deux concertos, les mêmes qualités, malgré l'écart dans le temps: tout le monde joue en même temps, les instruments se répondent (dans le Tchaikosky il y a même un moment où le soliste accompagne, discrètement, un solo d'orchestre) -- mais surtout ils n'imitent personne. L'invention, l'engagement sont juste là. On entend certes la jeunesse de Currentzis et de sa soliste, leur véhémence, leur enthousiasme, mais ce qui les rapproche, etc.

On a toujours du mal à partir à la fin de ces concerts, alors on a joué un peu de ce classique:
Et je dois dire, en toute indépendance, que, dans cette version 24bits et avec ce système, j'ai eu l'impression que je n'avais jamais entendu ce disque que nous connaissons tous par coeur. La richesse harmonique est bien plus grande que dans tous mes souvenirs, et ça sonne comme un piano, en plus de sonner comme du Gould. J'en suis encore tout chose.  

dimanche 10 janvier 2016

Ce lundi: Currentzis/Tchaikovsky/Stravinsky ou l'Orfeo?

J'hésite pour demain entre deux disques. Uns visiteuse récente voulait entendre plusieurs versions de l'Orfeo de Monteverdi et celle-ci a particulièrement frappé mon attention, parce qu'elle avait en même temps le côté baroqueux et un enthousiasme que je comprenais immédiatement (il faut dire que l'enthousiasme non bridé du percussionisme impressionne les esprits faibles comme le mien):
Mais voilà-t-y pas qu'en trainant sur Qobuz sauvé des eaux (et en me disant que je suis bien obligé d'acheter le nouveau Bowie, non?), je m'avise que Teodor Currentzis a commis un nouveau disque:
Je trouve que Currentzis est une étoile filante qui rafraichît le paysage musical comme il y en a peu. Jeune (il a mon âge), grec qui emergea d'abord au fin-fond de la Sibérie (à l'opéra de Novosibirsk), il s'est d'abord fait remarquer avec des productions d'opéra décapantes avec un autre trublion décapant, le metteur en scène russe Tcherniakov: voyez leur Wozzeck, leur Macbeth, à la galerie si vous voulez. Mais il y eut surtout, après un déménagement à Perm, Ukraine, des Nozze  qui sont devenues un classique immédiatement, suivies l'année suivante d'un Cosi moins incontestable et cette année, nous annonce-t-on, d'un Don Giovanni possiblement génial. Il y a aussi eu un Requiem de Mozart décapant et formidable, un Sacre du Printemps sans concession, un Chostakovitch terrifiant et tout en russe... 

Or le jeune homme a une énergie, une sincérite et une culture tout en décalage avec notre époque. Il suit son chemin, cherche les racines des oeuvres et de leur inspiration, et combine sens du détail et enthousiasme. Clairement il ne suit le chemin de personne, et il n'y a jamais rien de routinier, de mécanique ou d'insignifiant dans son geste. J'aimerais pouvoir dire que c'est le cas de tous nos "grands" artistes, mais je n'en suis pas convaincu. 

Qu'en pensez-vous ? Venez, on votera en cas de désaccord (c'est à 20h au 18, bd Voltaire). Ou bien on écoutera une plage de l'un, une plage de l'autre ;-)

jeudi 7 janvier 2016

Mardi dernier: Levine, Das Lied von der Erde, Norman, Jerusalem, Berlin

Pour ceux, et il en était ce soir-là, formé au Chant de la Terre par Kathleen Ferrier et Bruno Walter, cette version peut sembler froide et artificielle. Et certes la grande Jessye Norman n'a rien de la fragilité d'une Ferrier mourante, vraie "candle in the wind". Mais au contraire, sa santé, son ampleur insolente, ses aigus qui défieraient presque les lois de la physique, en tous cas celles de l'orchestre, font de ce Chant plus un monument neuf qu'un filet d'eau brisé. Siegfried Jerusalem, aussi, est en grande forme, l'expression ne disparaissant jamais derrière la performance, les difficultés de ses Wagner bien loin dans cette partition facile en comparaison. Mais la vraie star est ici l'orchestre, d'une splendeur ineffable et de tous les instants, riches de milles variations, petits reflets, de la virtuosité jusque dans les plus subtiles harmoniques, et la justesse d'expression, le dialogue musical et la finesse dont est capable Levine dans sa maturité. C'était (encore) une de ses soirées où ni la parole ni le geste ne reviennent tout de suite après les dernières mesures, malgré l'heure tardive (on avait fait précéder ce Chant de quelques crèpes chez Imogène...). Lien vers le disque.