lundi 29 février 2016

Demain, Tableaux d'une exposition, à l'exposition

Demain soir, je vous propose d'écouter les deux version des Tableaux d'une exposition de Moussorgsky, d'abord dans la version pour piano, mais quasi orchestrale de Pogorelich,

Et ensuite dans la version orchestrée par Ravel, dirigée par ce sorcier de Celibidache à Munich:
zejulot@gmail.com pour participer...

dimanche 14 février 2016

Le charme pas très discret de la video

Un disque comme celui-ci m'aurait laissé sceptique a priori, et ce sont des soldes qui m'auront poussé à l'essayer. Je ne le regrette pas. D'abord parce que la différence technique change, à mon avis, l'expérience artistique. Avec la haute définition d'aujourd'hui et un (très) bon lecteur, on peut lire les partitions de l'orchestre, compter les mèches de cheveux du corniste, et, moins anecdotiquement, le film, qu'on imaginait monotone, d'un grand concert berlinois devient une galerie de portraits et la peinture de l'aventure humaine de cet orchestre et de son chef. Le son lui-même est presque au niveau des meilleurs audio, et le film devient de ce fait aussi un point de vue sur la partition, parce qu'on entend facilement la polyphonie, la construction harmonique, l'expression du chef. Cette plongée dans le coeur de l'orchestre, cette possibilité de regarder chaque musicien dans les yeux, crée une nouvelle expérience, bien fascinante.

De plus, il se trouve que ce surcroît d'intérêt est exactement ce dont Barenboim a besoin, lui qui alterne moments d'inspirations et de maîtrise sublimes, et baisses de tension où ça s'embourbe sérieusement. Artistiquement, ce n'est pas Celibidache, mais des fois ça s'en rapproche, et ça irradie un amour de cette musique et de ses musiciens qui est très touchant. Un disque tendre et grand, qui va m'inciter à vous projeter les autres symphonies de ce cycle dans les semaines et mois à venir.

vendredi 5 février 2016

Winterreise, cet univers...

Quand j'étais jeune, tout était plus simple, côté Winterreise. Enfin, je croyais que c'était simple, comme me le disait les guides du disque qu'il y avait à l'époque: on écoutait Hotter dans ce que j'appelle la Tubeuf-édition (que d'autres appelaient la collection référence de chez EMI, ou bien on se la jouait pas historique et bien sûr on avait Dietrich Fischer-Dieskau avec Gerald Moore chez DG, et c'était dans un beau coffret statutaire.
C'était d'autant plus simple que le DFD était somptueux vocalement, mais m'ennuyait pas mal. Et puis un jour je suis allé assister à l'enregistrement de la Tribune des Critiques de Disques, présentée à l'époque par Gérard Courchelle, et au milieu du ronron des écoutes en aveugle systématiques des versions "recommandables", l'homme avait le bon sens de faire entendre d'autres choses, des trucs sélectionnés, pas en aveugle du tout. Et il nous a fait entendre un bout de ça, qui à l'époque, était une rareté difficile à trouver: 
Ca m'a bouleversé et reste un des plus grands disques que je connaisse, qui m'accompagna dans bien des écoutes, et continue à le faire. J'étais sidéré par la façon dont les deux artistes s'écartaient radicalement de la quasi-berçeuse que je connaissais, de toute ambition de joliesse ; et aussi de comment ils s'entendaient, comment chaque note, chaque mot, était lourde de sens ; et comment la longue lamentation était devenue un roman. J'adore aussi la prise de son, simple et naturelle, et l'ambiance de concert, dans laquelle on sent le public lui-même se tendre au fur et à mesure (et tousser un peu trop, je l'admets). Mais ça restait simple, et je me disais; écoutons-nous ça un de ces soirs. Un ami me disait ça, même. Et, bêtement, j'en parlais à David le Marrec, qui est hélas souvent de bon conseil, et qui, tout en approuvant poliment mon choix, me répondait avec au moins vingt versions qu'il jugeait tout aussi impossibles. Il commençait par exemple avec ça, qui était certainement un choc aussi -- un voyageur bien pris par le froid, mais presque compteur pour enfants dans son éloquence.
Depuis, j'ai plongé dans un univers, celui du Winterreise, pour lequel, manifestement, des dizaines de version géniales existent, incroyablement différentes les unes des autres. Il y a bien sûr les ténors, les barytons, les mezzos... les pianos modernes et les pianoforte... les exégètes et les poètes... les tendres et les énervés... les diseurs et les lyriques. Je suis enfermé dans le Voyage d'Hiver. Quelques unes que j'aime beaucoup en ce moment: 
Un pianofortiste formidable et un ténor éloquent pour une version encore plus froide, brisée et poignante que Richter/Schreier. 
Le pianoforte a l'avantage de ne pas être beau -- je veux dire qu'il n'y a pas la tentation du "pianisme" et des somptuosités sonores (c'est pas mal non plus, ceci dit). Max van Egmond a un grand âge, et un grand art, et tous deux nous offrent donc une plongée apparemment sans attrait (et pourtant!) dans le texte. Mais assez d'austérité, voici par exemple un élève de Schwarzkopf dont Hans Hotter peut être fier, accompagné d'un de ces chefs dont on regrette qu'il ne se soit pas fait pianiste plus souvent: 
Pianiste schubertien d'exception, Demus était, à mon goût, bien plus intéressant pour accompagner DFD, et riche de l'expérience des versions austères, je mesurais à quel point la somptuosité de son timbre et de ses couleurs ne manifestait jamais au détriment du texte: 
Bref, ce que je voulais vous dire: vous devriez venir écouter le Winterreise à la galerie. Mais je ne peux pas vous dire dans quelle version.